Géologie : études et métiers

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Réussir ses études de géologie : l’interview

Maurice Renard – Ancien président de l’Université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC). Professeur émérite à l’Institut des Sciences de la Terre de Paris (ISTeP, Sorbonne Université).
Yves Lagabrielle – Directeur de recherche au CNRS à l’UMR Géosciences, université Rennes 1
Erwan Martin – Maître de conférences et professeur émérite à l’Institut des sciences de la Terre de Paris (ISTeP, Sorbonne Université).
Marc de Rafélis –Professeur à l’UMR Géosciences Environnement Toulouse, Université Paul Sabatier (Toulouse III).

Charles Pomerol fut cofondateur d’Éléments de géologie avec Pierre Bellair, en 1965.
 

La 16e édition (2018) d’Éléments de géologie offre un panorama complet des Sciences de la Terre et de l’Univers, du Big Bang à l’origine de l’Homme en passant par toutes les disciplines des Sciences de la Terre (tectonique des plaques, géologie structurale, géophysique, minéralogie, pétrographie, géochimie, géomorphologie, sédimentologie, etc.). Totalement rénové, ce grand classique présente l’ensemble des Sciences de la Terre en 38 chapitres, parfaitement adaptés au programme des étudiants en SVT ou en géographie. Quels sont ses atouts pédagogiques ? Comment utiliser au mieux ce manuel ? Quels sont les enjeux des études de géologie aujourd’hui ? Paroles d’experts !

Depuis la 15e édition, Éléments de Géologie est en couleurs. Au-delà de la séduction immédiate de la couleur, comment la quadrichromie valorise-telle la pédagogie et le contenu du manuel ?

La société actuelle est une société dite de « l’image ». La source d’information est multiple, permanente et quasi sans limites. Les « observables » qui comprennent les schémas, les photographies, les vidéos, sont devenus des supports primordiaux, le texte se réduisant souvent à une annexe de l’image. La couleur n’est plus un luxe mais une nécessité. Cependant, dans un système universitaire où l’étudiant est périodiquement évalué, la différence se fera par la qualité de l’analyse et par l’esprit de synthèse. Il faudra alors dépasser la seule image et faire l’effort de comprendre son contenu et son sens. Depuis la mise en place de techniques de communication basées principalement sur l’image (diaporamas, vidéo, sites internet…), seule la lecture des textes permet d’apprendre les acquis scientifiques fondamentaux sur lesquels s’appuient les illustrations. En effet, si les images proposent des synthèses de ces acquis, un simple survol de ces images ne permet pas d’acquérir la connaissance et la maîtrise de ces acquis. Nous encourageons donc nos lecteurs à lire attentivement les paragraphes du texte qui correspondent aux illustrations. Du point de vue pédagogique, l’introduction de la quadrichromie intégrale a permis de rapprocher les photographies de terrain des schémas et des coupes géologiques. La Terre est en couleur, sa représentation l’est aussi !

Vous êtes trois scientifiques de disciplines et de lieux d’enseignement distincts. Comment avez-vous collaboré pour ce manuel ?

Il est aujourd’hui impossible de concevoir un manuel de géologie, qui se veut à la fois généraliste et en prise sur la recherche la plus récente, sans faire appel à plusieurs scientifiques de disciplines différentes. Maurice et Yves ont d’abord identifié les champs disciplinaires loin de leurs compétences et ils ont fait le choix de faire appel à des coauteurs proches de façon à interférer facilement. Erwan et Marc ont pu apporter, de par leurs spécialités respectives (sédimentologie, cyclostratigraphie et pétrologie magmatique), un regard nouveau et des mises à jour sur des disciplines qui ne cessent d’évoluer. Il faut bien comprendre que les grands sauts conceptuels ont lieu aujourd’hui tous les 10 à 15 ans en sciences de la Terre. Les classifications des volcans et des bassins sédimentaires, par exemple, ne se font plus selon des critères descriptifs et statiques, mais selon des notions dynamiques : types d’éruption et place vis-à-vis des frontières de plaque. Les exemples de ce type concernent tous les volets disciplinaires.

On est frappé, à la lecture de l’avant-propos, par la liste des institutions et des personnes – enseignants, chercheurs – à qui vous rendez hommage pour leurs contributions qui confèrent au manuel « son originalité et son attractivité ». Peut-on dire que le caractère collaboratif de l’ouvrage est l’essence même d’un manuel qui privilégie l’expérience de terrain ?

Échange et collaboration constituent l’essence même de notre métier, celui d’enseignant-chercheur. On ne progresse finalement vraiment qu’en échangeant, partageant, comparant et critiquant des idées. Nous aurions dû aussi rendre hommage tout simplement, et sans démagogie, aux étudiants avec qui nous échangeons finalement plus que ce que peut en penser une personne extérieure au système universitaire. Le retour des étudiants sur nos enseignements est primordial pour une évolution pédagogique au travers des années. Ainsi, l’expérience de « terrain » doit être comprise de plusieurs façons : le terrain « géologique », (observation et échantillonnage étant bien évidemment la base de notre discipline en recherche et en enseignement), le terrain « académique » (laboratoire, congrès, séminaires, nationaux et internationaux) et le terrain « pédagogique » (amphi, salle de TP-TD).

Quel est votre regard sur l’évolution de l’enseignement de la géologie à l’université ?

Bien que les programmes universitaires ne soient plus figés par un cadre académique national, ils se ressemblent – fort heureusement – beaucoup d’un établissement à l’autre, au moins pour le niveau Licence. Les flux d’étudiants en géosciences à Sorbonne Université, Toulouse 3 ou Rennes 1, comme l’importance que ces universités portent à ce champ disciplinaire dès la première année, nous donnent une place privilégiée d’acteurs et/ou d’observateurs :
- de l’évolution d’une jeunesse en pleine révolution/mutation intellectuelle quant à ses modalités d’acquisition des connaissances et son rapport au savoir ;
- de la pédagogie du L1 au master 2, en filière de spécialité comme en préparation aux concours de l’enseignement secondaire ;
- de la formation par la recherche, dont l’importance se développe et que beaucoup d’universités mettent en place dès la licence.

La pédagogie universitaire évolue plus ou moins rapidement suivant les établissements. La « pédagogie inversée » est en plein essor, la formation dans l’université n’y échappe pas et ce, même si l’on doit constater que cette évolution est plus souvent guidée par des motifs financiers que pédagogiques. Les amphithéâtres connectés interactifs se mettent en place. Dans un tel système pédagogique d’apprentissage en autonomie des étudiants, le livre peut (re)prendre une place beaucoup plus importante. La rédaction, les exemples, les illustrations de cette nouvelle édition et les ressources numériques de son site compagnon elements-geologie.com, sont parfaitement adaptés à cette forme d’enseignement, même s’il faut rappeler l’importance que nous attachons à la formation du géologue par les stages de terrain, qu’ils soient encadrés ou en autonomie.

Ce manuel est destiné à un large public, de l’étudiant en licence au candidat au CAPES, en passant par l’amateur éclairé. Comment exploiter toute la richesse de ce manuel en fonction de son niveau d’apprentissage ?

Comme dans les éditions précédentes, l’accent a été mis sur la progressivité des concepts et notions abordés dans les chapitres. Chacun y trouvera son intérêt lors de la lecture. Un effort tout particulier a été fait sur les illustrations qui sont les plus didactiques et claires possibles.

Quels conseils donneriez-vous à de futurs étudiants souhaitant s’orienter vers la géologie ?

La géologie est principalement enseignée dans les universités (dont la majorité présente des cursus de Licence et de Master préparant à la recherche, à l’industrie et à l’enseignement) et dans quelques écoles d’ingénieurs (Écoles des Mines, ENSG Nancy….), dont certaines sont liées aux universités (réseau des écoles universitaires Polytech). Elle est également abordée dans les classes préparatoires aux grandes écoles où peuvent aussi naître des vocations de géologues.

Signalons aussi que, dans le cadre du programme IDEFI (Initiatives d’excellence en formations innovantes), plusieurs universités (réseau FIGURE : Formation à l’Ingénierie par des Universités de Recherche) ont créé des CMI (Cursus Master en Ingénierie). Ce cursus universitaire de 5 ans est basé sur une licence et un master classiques auxquels s’ajoutent des compléments scientifiques pour l’ingénieur et des formations en sciences humaines et sociales. Son but est de former des ingénieurs/managers ayant eu un contact précoce avec les activités de recherche et de développement. Actuellement plusieurs universités (Avignon, Besançon, Chambéry, Cergy-Pontoise, Lille, Pau, Poitiers – en cours d’accréditation –) ont un CMI relevant du domaine des géosciences.

Dans les universités, l’étudiant intègre rarement directement une licence « Sciences de la Terre et des Planètes, Environnement ». Dans la majorité des cas, l’inscription de fait par un portail de L1 (tronc commun), qui permet à l’étudiant de se spécialiser progressivement afin d’établir ou de conforter ses choix de cursus. Deux portails sont classiques : soit le portail Biologie/Géologie (le plus fréquent), soit le portail Physique/Chimie.

Dans le cadre de la nouvelle procédure de choix d’établissement et de cursus (Parcoursup), une liste de prérequis ou d’attendus a été établie au niveau national, et complétée éventuellement par chaque établissement, pour aider les lycéens dans leur choix. Pour les sciences de la Terre, au-delà des généralités évidentes (maîtriser la communication écrite et orale en français, avoir un niveau d’anglais de terminale (B2), maîtriser les connaissances scientifiques du programme de terminale S), il convient de rappeler que, compte tenu de l’importance prise par la géophysique, la géochimie et les modélisations, un bon niveau ou au moins une appétence pour la physique, la chimie, les mathématiques et l’informatique sera utile, voire indispensable. Il en va de même pour la génétique moléculaire et la biologie en général, pour les étudiants s’orientant vers la paléontologie et les concours de recrutement du secondaire (CAPES et Agrégation SVT).

Ajoutons enfin que, contrairement à d’autres disciplines, les géosciences ne souffrent pas d’un défaut d’attractivité. Le marché de l’emploi est malheureusement davantage l’obstacle aux vocations scientifiques que la discipline elle-même. Tous ces points sont développés dans la rubrique Profession : géologue du site elements-geologie.com.

Quels sont les nouveaux enjeux de la géologie aujourd’hui ?

Il y a plusieurs enjeux, dont certains sont sociétaux – ressources énergétiques, modification du climat, risques naturels (sismiques, volcaniques, environnementaux… – mais aussi philosophiques (connaissances sur l’origine de l’Univers, mise à jour des avancées sur l’évolution de la lignée humaine, arguments contre un retour de la pensée créationniste). Ces sujets sont au cœur des préoccupations de la société et donc des pouvoirs publics. Enfin, il ne faut pas oublier l’intérêt fondamental que représente « tout simplement » la bonne connaissance de la planète sur laquelle nous vivons.

Ce manuel est destiné à un large public, de l’étudiant en licence au candidat au CAPES, en passant par l’amateur éclairé. Comment exploiter toute sa richesse en fonction de son niveau de formation ?

Comme dans les éditions précédentes, l’accent a été mis sur la progressivité des concepts et notions abordés dans les chapitres. Nous nous sommes attachés à une rédaction permettant plusieurs niveaux de lectures en fonction des connaissances du lecteur. Chacun y trouvera donc son intérêt. En outre, un effort tout particulier a été fait sur les illustrations qui sont les plus didactiques et claires possibles.

Quelle est l’articulation entre le manuel et le site compagnon elements-geologie.com ?

Le site permet d’enrichir sa connaissance des sujets abordés dans le livre. L’étudiant pourra tester ses connaissances sur les quiz en ligne corrigés et commentés, répondre aux questions des évaluations thématiques, consulter les photoreportages auxquels il est fait référence dans les différentes parties du livre et bénéficier d’une veille sur les sites de référence en géologie. Les enjeux « études et métiers » sont également abordés. Enfin, des figures de référence issues du livre sont également proposées aux enseignants pour animer leurs cours.

© Dunod Éditeur, avril 2018

 

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